Des nouvelles ambitions de Vicky Boudreau
11 juin 2024 - Près de 20 ans après la création de YouTube, le marché de l’influence s’est professionnalisé. Aujourd’hui, quelques milliers d’abonnés suffisent pour courtiser les consommateurs. Vicky Boudreau vient de lancer Heylist. Cette visionnaire n’en est pas à son premier succès.
L’univers de l’influence numérique a beaucoup évolué depuis la création de YouTube, Facebook et Instagram dans les années 2000. Au Québec, des figures comme Enola Bédard, PL Cloutier ou Lysandre Nadeau cumulent des centaines de milliers d’abonnés. Les marques y ont vu l’occasion d’y rejoindre un public de plus en plus réfractaire à la télévision linéaire et aux médias traditionnels. Vicky Boudreau vient de lancer Heylist. Cette visionnaire n’en est pas à son premier succès.
Francis Gosselin
Vous venez de fonder Heylist, qui est devenue votre entreprise principale. Quelle est la genèse du projet?
J’ai cofondé l’agence bicom il y a 18 ans et on y fait du marketing d’influence depuis 15 ans déjà. Au cours des dernières années, on a observé l’émergence et la popularité grandissante des nano-influenceurs, des gens actifs sur les réseaux sociaux, mais qui ne sont pas des superstars; typiquement des gens qui ont entre 2000 et 10000 abonnés et qui ont un pouvoir d’influence sur leur entourage. On a saisi l’occasion d’agir comme intermédiaires entre les marques et ces nano-influenceurs, et c’est comme ça qu’est née Heylist.
Pour l’instant, les influenceurs ne sont pas rémunérés, mais ils reçoivent des produits de valeur intéressante.
Comment ça fonctionne, concrètement?
Les nano-influenceurs – des gens comme toi et moi, par exemple! – s’inscrivent sur la plateforme et, selon leurs intérêts et leurs communautés, Heylist leur permet de participer à des campagnes de marketing d’influence entièrement automatisées; Heylist automatise ce qu’on faisait auparavant «à la mitaine». Pour l’instant, les influenceurs ne sont pas rémunérés, mais ils reçoivent des produits de valeur intéressante. On aimerait pouvoir offrir quelques centaines de dollars additionnels, aux mères de famille monoparentales, aux étudiants, aux nouveaux arrivants. Ça viendra éventuellement. On a aussi tout un volet éducatif pour montrer aux gens comment créer du bon contenu. On veut mieux partager et redistribuer l’argent qui est sur le marché de l’influence.
Comment a évolué le monde de l’influence?
Certains pays, dont la France, ont beaucoup légiféré parce que c’était un peu le Far West. Le Canada est un peu en retard, même si l’on a vu des studios et des agences se créer pour encadrer le travail des influenceurs. Pour l’instant, au Québec, la structure de prix n’est pas très logique, c’est «selon l’humeur» des agents et des influenceurs. La tarification est «dynamique» mais imprévisible: à Noël, la grille de contenu est pleine et c’est forcément plus cher qu’en janvier, où c’est moins occupé. Tout cela fait en sorte que, depuis cinq ans, on observe un retour du balancier: les marques se désintéressent des très grands influenceurs et se tournent vers les plus petits.
On a aussi vu émerger le volet B2B (Business to Business), des influenceurs sur LinkedIn qui permettent de générer de l’intérêt pour un produit ou un service. La dernière chose, c’est la montée en force des influenceurs virtuels, des avatars qui ont leur «propre vie», qui assistent à des défilés de mode ou qui participent à Coachella. Évidemment, le message est pas mal plus facile à contrôler. Au Québec, Lia 27 joue ce rôle. Je ne sais pas encore si les gens vont faire confiance à ça, mais on surveille la situation.
Et le côté «affaires» de tout ça?
Pour l’instant, on est douze dans l’équipe, dont un CMO, un CTO et deux développeuses. On cherche la parité dans l’équipe de technologie, si ça intéresse quelqu’un. Nous avons monté la structure avec les ressources de bicom, au début. Maintenant, Heylist vole de ses propres ailes. J’ai mis à jour mon LinkedIn au début de l’année 2024 et comme je suis moi-même une mini-influenceuse, ça a bien marché! Nous faisons en ce moment une ronde de financement avec des investisseurs privés et des fonds d’investissement. Le marché bouge vite et on veut être les premières, au Canada, mais aussi aux États-Unis et ailleurs.